jeudi 19 juin 2014

*9* A la Réserve du Personnel Sanitaire de la 10ème armée, à Creil, du 9 au 14 octobre 1915

Parti de Rodez le 7 octobre 1915, j'arrivais à Creil pour me rendre le 9 octobre à la Réserve du Personnel Sanitaire de la 10ème armée, au château Hébert à Nogent-sur-Oise. J'y restais quelques jours, en attente de mon affectation au front.

source : military-photos.com






La 10ème armée était commandée par le général d'Urbal.
Depuis le 15 septembre 1915, cette armée participait à la bataille de l'Artois.
 Elle était soutenue par six divisions britanniques et s'opposait à la 6ème armée allemande.









La ville de Nogent-les-Vierges avait été rebaptisée en 1906 pour devenir Nogent-sur-Oise. L'Oise avait été envahie par l'armée allemande, le 30 août 1914. A Nogent-sur-Oise, des civils avaient alors été tués par balles et une dizaine de maisons avaient été incendiées.


Le château Hébert, du nom de son dernier propriétaire, était une magnifique demeure.
Armand Houbigant avait acheté ce château en 1812 avant de s'y installer en 1821. Puis, en 1835, il avait agrémenté la façade d'un beau portique provenant de la démolition du château de Sarcus, édifié au 16ème siècle, dans le style Renaissance, par François Ier. En 1863, à la mort d'Armand Houbigant, Monsieur Hébert, nouveau propriétaire, y fit forer un puits artésien alimentant un plan d'eau. Ce château possédait  des dépendances dont une orangerie.





A Creil, 54 maisons avaient été incendiées par les Allemands, le 2 septembre 1914. Ils avaient utilisé des grenades incendiaires et des tubes enflammés, comme mesure de représailles lorsque des coups de feu avaient été entendus dans la ville ou lorsque des armes avaient été trouvées chez les habitants.




J'ai pu visiter à Creil une usine de fabrication de fers à cheval. Cette usine, avec 40 ouvriers, en produisait 3500 par jours. Elle avait été réquisitionnée pour l'effort de guerre et s'était engagée, malgré le manque de main d’œuvre, à reprendre la fabrication, en cas de besoin.

J'appris rapidement mon affectation à l'ambulance 1/10.

Je n'ignorais pas ce qui se passait au front :

les dégâts causés par une "marmite allemande" sur l'église de Maroeuil
  • La troisième bataille de l'Artois touchait à sa fin. Beaucoup de maisons et d'édifices avaient été détruits par les bombardements ennemis  dans cette région. 
Ainsi, à Maroeuil, village situé près d'Arras sur les bords de la Scarpe, un gros obus était tombé sur l'église du village et avait éclaté dans le chœur, pulvérisant tout, excepté les reliques de Sainte Bertille, célèbre pour avoir fait jaillir au 7ème siècle dans le village une source en période de grande sècheresse. Cette source aurait la particularité d'avoir redonné la vue à quelques aveugles.







Toujours à Maroeuil, une fabrique de velours avait été aussi bombardée.
Des soldats se trouvaient à l'intérieur et y avaient trouvé la mort.






Le 8 et le 9 octobre, les Anglais avaient subi de très violentes attaques sur le front de leur 1ère armée. Ayant pris l'offensive le 13 octobre, ils avaient réussi à atteindre un moment la croupe d'Hulluch. Mais, le 14 octobre au soir, le gouvernement britannique décida d'arrêter définitivement les opérations dans ce secteur de l'Artois.

  • La deuxième bataille de Champagne prenait fin avec 27851 tués, 98305 blessés et 53658 prisonniers du côté français. Le front n'avait pu progresser que de 3 à 4 kilomètres.

Ferdinand Ier (wikipédia)



  • Le roi bulgare Ferdinand Ier avait décidé de participer à la guerre contre la Triple-Entente, malgré les efforts de notre ministre des affaires étrangères, Théophile Delcassé, qui avait vainement tenté de le convaincre de ne pas prendre part au conflit. C'est ainsi que le 13 octobre 1915, Delcassé fut contraint de démissionner et René Viviani, président du Conseil, assura l'intérim.

René Viviani (wikipédia)
Théophile Delcassé (wikipédia)


  • Suite à l'échec des Dardanelles, des soldats français et britanniques avaient été envoyés à Salonique dès le 5 octobre 1915. Parmi eux, se trouvait mon ami Joseph Arnaud, brancardier. Une armée d'Orient venait d'être constituée avec l'ensemble des armées françaises en Orient.
le général Sarrail  1915 (l'illustration : guerre 1914-1919)
Cette armée avait été confiée au général Sarrail. L'objectif de l'état-major était de faire jonction avec les troupes serbes menacées par les Austro-Allemands à l'Ouest et par les Bulgares à l'Est. Il fallait porter secours aux troupes serbes qui se repliaient vers le Sud et maintenir le deuxième front que Winston Churchill avait tenté sans succès d'ouvrir sur les détroits. Le contrôle de la voie ferrée qui remontait la vallée du Vardar devait être conservé, pour garder ouverte la seule voie de communication des Serbes vers l'extérieur, nécessaire à leur ravitaillement.
Les conditions de combat et de survie étaient différentes de celles de l'Artois et de la Champagne. C'était la saison des pluies. La végétation était luxuriante, avec de nombreux ruisseaux qui se déversaient dans le Vardar. Dans ces lieux marécageux envahis de mouches et de moustiques, il fallait se protéger du paludisme et le service de santé imposait aux soldats la prise régulière de comprimés de quinine. Le typhus et la dysenterie y sévissaient aussi. Là-bas, la chasse des couleuvres pour les consommer en les faisant cuire comme des anguilles ou la préparation d' un bouillon de tortue  améliorait l'ordinaire. L'eau potable y était rare, la chaleur était intense et la soif se faisait durement sentir.

général Bailloud (wikipédia)






Dès le 14 octobre, les troupes de la 156ème division d'infanterie commandées par le général Bailloud qui avait débarqué avec le général Sarrail à Salonique, entraient en contact avec les Bulgares à la gare de Stroumitza.









C'est dans ce contexte de mondialisation du conflit que, le 14 octobre 1915, à 22h, je quittais Creil pour rejoindre l'ambulance 1/10 à Frévent.