vendredi 24 janvier 2014

*7* Infirmier à l'Hopital de Rosendaël, d'octobre à décembre 1914.


A notre arrivée à Dunkerque, le 15 octobre 1914, notre chef de détachement nous laissa sur le port pour aller prendre des renseignements à la Place militaire de Dunkerque.
Comme il tardait à revenir, nous avons entamé, vers 10 heures, nos vivres de réserve. 





Quelques minutes après,  Monsieur Marcial revint, avec l'ordre de nous rendre à 3 kilomètres, à Malo-les-bains.





Notre cantonnement était situé dans une école qui venait d'être évacuée par des troupes belges. La couche de paille était bien mince, et la place bien réduite par rapport à la quantité d'hommes à loger. Je prévoyais une mauvaise nuit, mais j'eus la chance de trouver une dame propriétaire d'une villa qu'elle occupait pendant l'été, qui voulut bien m'offrir une chambre. Presque toutes les familles logeaient des militaires, beaucoup cédaient leur lit et dormaient sur une chaise.

Un "taube"  (source : wikipédia)
Arrivés à l'école, nous entendîmes un ronflement de moteur : c'était un aéroplane qui survolait la ville. A la coupe de ses ailes et à la forme fuselée de sa queue, on reconnut un "taube". Aussitôt, on tira dessus avec canon, mitrailleuse, fusil, mais il volait si haut qu'il fut impossible de l'atteindre. Il fila sur la haute mer pour regagner sans doute la Belgique. Un second pointait à l'horizon, mais reprit le large dès la canonnade. Plus tard, un autre survola Malo et Dunkerque.

Ce jour-là, la distribution de vivres se fit tard. Aussi, beaucoup ont mangé en ville. Les repas se faisaient à la bière, boisson à laquelle je me suis habitué facilement.
Dunkerque et Malo, en dehors d'innombrables troupes qui s'y trouvaient, recevaient constamment une multitude d'émigrants obligés de quitter leur pays envahi par les Allemands.
Nous avons vu l'Indore, grand paquebot anglais à destination de France ou d'Angleterre, transportant des passagers belges.






J'ai trouvé que Dunkerque était une ville très propre, avec un bel hôtel de ville, une cathédrale, et un port de commerce très actif.
Le lendemain de notre arrivée, le détachement se rendit à l'hôpital militaire de Dunkerque pour être présenté au médecin chef et à l'officier commandant la première section. Les repas étaient servis à l'hôpital.

Nous avons vu des troupes belges se dirigeant vers Boulogne, Calais ou Brest, 1500 soldats environ transportés par 5 transatlantiques. Des groupes d'émigrants belges  se dirigeaient vers le Centre, quittant leur foyer, laissant derrière eux tout ce qui leur était cher, n'emportant qu'un maigre baluchon. Une femme, violée par 6 allemands, m'avait arraché les larmes ... le viol était devenu une arme de guerre, les Allemands menaient délibérément une campagne de terreur sur la population locale.
Nous achetions le tabac très bon marché : pour un paquet de 50 grammes, 5 sous les cigarettes et 5 sous le paquet, 2 boîtes d'allumettes pour 1 sou. C'était de la marchandise belge, en contrebande, mais tout était permis. De même  pour l'argent, tout avait cours. Je collectionnais les billets belges de 2 francs et les marks allemands.

Deux postes de secours avaient été constitués à 4 kilomètres de la frontière franco-belge, au fort des dunes sur la commune de Leffrinkoucke, et au Chapeau Rouge, à 17 kilomètres du front qui se trouvait à Furnes, en Belgique. Nous y étions souvent de garde.  Nous restions à l'estaminet du Chapeau Rouge, attendant des ordres, avec à notre disposition une cantine médicale et quelques brancards, pendant que des patrouilles sillonnaient l'immense plaine plantée de betteraves.

Les allemands se trouvaient sur une ligne Ostende-Dixmude. Les avions français faisaient la chasse aux "taubes" et arrivaient  parfois à en descendre.




A Dunkerque, j'ai eu l'occasion de voir des automitrailleuses de fabrication française et allemande. Un officier belge avait été tué dans l'une d'elles, le mitrailleur blessé ainsi que le conducteur.






Le 22 octobre, j'ai croisé 2 groupes de la 6ème section d'infirmiers militaires avec du matériel et 3 bataillons d'artillerie du 61ème régiment d'artillerie de campagne, avec des chevaux bien fatigués, en route vers la Belgique. Les Allemands les avaient surnommés les "diables noirs", lors de la bataille de Pierrepont, le 22 août dans les Ardennes. La tenue noire, les visages et les mains noircis par la poudre à canon de ces artilleurs, saisissaient d'effroi les soldats ennemis. Dans la nuit, ce régiment est passé au complet.


nous montons une tente Bessonneau





De corvée à l'hôpital de Rosendaël, je devais participer au montage d'une tente Bessonneau.









 Fin octobre, la bataille de l'Yser fit beaucoup de victimes. Un détachement de la 1ère section d'infirmiers avait été envoyé à Zuydcoote et 50 hommes de notre 16ème section d'infirmiers dont 2 sergents, Daumière et Bataille, avaient été pris à l'infirmerie de gare.
Dans la matinée du 24 octobre, il y eut 14 morts à l'hôpital de Rosendaël. A midi, on nous apporta un mort venant de Dixmude, un capitaine de la coloniale, décoré de la légion d'honneur. Les hommes avaient fixé un bouquet sur sa tunique et une croix dans ses mains.

Un beau jeune officier originaire de Bidart, Louis-Marie Eugène Sérieyx, - voir sa photo  - enseigne de vaisseau affecté au troisième bataillon du premier régiment de fusiliers marins, avait aussi été grièvement blessé dans la journée, à Dixmude, à la tête de ses hommes, en repoussant brillamment les attaques répétées de l'ennemi. Il est décédé dans notre hôpital.
Le même jour, 3 allemands blessés sont arrivés, deux d'entre eux sont morts dans la nuit, le troisième qui parlait très bien le français a survécu.
Le 25 octobre, de garde comme infirmier major, j'ai assisté à l'entrée de 9 cadavres venant de la gare et à un décès des suites d'une gangrène, en salle. On a accueilli ce jour-là 10 blessés, des belges et des français.

l'aviateur de Rose
(source : Icare n°85)

Parmi eux, il y avait l'aviateur  Charles de Rose et son mécanicien, que j'ai dû panser.
D'après ces blessés, le champ de bataille était couvert littéralement d'hommes morts ou blessés, de part et d'autre. Les Allemands bombardaient Dixmude qui était  incendié, mais le premier régiment de fusiliers marins commandé par l'amiral Ronarc'h ne lâchait pas. Le lendemain, affecté au cabinet des pansements, je recevais 80 blessés plus ou moins mutilés et la morgue était généreusement garnie. Le 28 octobre, encore 100 blessés, avec parmi eux, des soldats de la 31ème division volante et des 96ème et 81ème appelés en renfort par le général Foch, pour lutter contre des forces trois fois supérieures.



La reine des Belges vint ce jour-là dans notre hôpital pour rendre visite aux blessés.

Une bombe lancée par un "taube" à côté de l'Hôtel de ville avait blessé une fillette. C'était le premier bombardement sur Dunkerque. Suite à cet évènement, les quartiers ont été consignés en permanence.
Le Docteur Boulet, un médecin très dévoué et d'une extrême gentillesse, avait beaucoup de travail.





Le 30 octobre, j'ai accompagné des blessés au Duguay-Trouin transformé en navire-hôpital.










C'est alors que j'ai vu dans le port des bateaux de guerre anglais ressemblant au "Vergniaud", et quantité d'obus de gros calibre. A l'hôpital, nous avons dû soigner 10 anglais affreusement mutilés par des éclats d'obus à bord.





La nuit suivante, sur décision du roi des Belges, la plaine de l'Yser fut inondée par l'utilisation des écluses et des vannes qui régulaient la gestion de l'eau, en inversant leur fonctionnement normal. L'eau de la mer du Nord fit irruption sur la plaine flamande dont le niveau est situé sous le niveau de la mer. Une flaque d'eau d'une largeur de deux à trois kilomètres et d'une profondeur de trois à quatre pieds s'étendit alors entre l'Yser et le chemin de fer de Nieuport jusqu'à Dixmude. En conséquence, les Allemands partirent se réfugier sur la rive droite du fleuve.
On entendait le canon tonner sans discontinuité, c'était l'escadre anglaise et française qui gardait la côte.

Le 2 novembre, le président de la République Poincaré est venu à Dunkerque pour s'entretenir avec le roi Albert Ier et avec le général Foch.





Ce jour-là, j'ai été affecté à l'Hospice civil de Rosendaël,  le HB n°32 bis, situé 92 route nationale, qui fonctionnait depuis le 9 août 1914, avec une capacité d'accueil de 300 lits.





Au début du mois de novembre, j'ai pu visiter le navire-hôpital "la Bretagne" sur lequel je devais embarquer des évacués, ainsi que le transatlantique "Rewa", navire anglais emménagé pour blessés, avec une installation merveilleuse de confort et d'agrément, qui possédait le chauffage central.
Le 3 novembre, nous avons eu encore 96 blessés entrants à l' hôpital. Ils appartenaient tous à la 32ème division du 16ème corps d'armée. J'ai ainsi pansé Roux, Lapoissier et le sergent Cathala. Cela m'a permis de prendre des nouvelles de quelques connaissances mazamétaines dont Bouteiller et Walter Huc.

Valérie Sénégas

Mais les nouvelles concernant mon beau-frère Albert Azéma restaient très vagues. Albert s'était marié le 16 juin 1914 avec Valérie, la sœur de ma femme. Il était parti au front et depuis plus d'un mois, Valérie n'avait aucune nouvelle et était fort inquiète, comme Louise pour moi.





Les "tauben" continuaient à lancer des bombes. Le 6 novembre, un bombardement dans un champ où un tas de fumier était disposé, resta sans effet. Deux jours après, deux bombes tombaient à côté de la mairie faisant deux victimes, une fillette de huit ans et une jeune femme de trente ans. L'hospice continuait à accueillir de nombreux blessés, assez sérieusement atteints, mais, le 8 novembre,  il n'y avait presque plus d'entrants et il fut évacué pour que le personnel ne se consacre qu'aux soins des fiévreux, en général typhiques. La fièvre typhoïde faisait des ravages depuis quelques jours. J'avais moi-même eu une forte crise d'entérite, qui m'avait cloué au lit toute une journée, mais, heureusement, après ce repos et une mise au régime, j'étais rétabli.

Le 9 novembre, l'abbé Vindevogel, un jeune prêtre courageux, ayant fait preuve d'un grand sang-froid devant les uhlans allemands, cavaliers armés d'une lance, nous fit le récit de ce qu'il avait vécu dans la nuit du 24 août à Somain, commune minière du Nord :
"Ce jour-là, une pluie de bombes s'abattait sur la ville, occasionnant de gros dégâts. Des territoriaux de faction ouvrirent le feu, ce qui déchaîna la rage des uhlans.Ceux-ci s'en prirent aux civils dans les rues ou devant leur maison. Ils les ont tués ou blessés à coups de lance. Les Somainois fuyaient la ville dans le désordre le plus complet. Le massacre allait tourner à l'extermination de la population. Sachant parler allemand, je me  suis décidé à aller rencontrer les officiers commandant le détachement pour leur expliquer que la fusillade n'était pas le fait des civils mais des militaires en service. Je suis arrivé à les convaincre et cette tuerie cessa."

Le 11 novembre, la ville de Dixmude, en feu, repassa aux mains des Allemands. Les défenseurs durent repasser sur la rive gauche de l'Yser, et se contenter de tranchées ne dépassant pas un mètre de profondeur, à cause de la proximité de la nappe d'eau. Après trois semaines de combats, avec de sanglants corps à corps à la baïonnette ou au couteau, les pertes ont été effroyables des deux côtés : 10000 morts et 4000 blessés pour l'ennemi, 3000 marins morts ou hors de combat dont 698 prisonniers ou portés disparus chez les défenseurs.
3 divisions de cavalerie, cuirassiers et goumiers, avaient été faits prisonniers. Concernant les 2000 tirailleurs sénégalais engagés dans cette bataille, seuls 411 ont survécu.

Je fus affecté dans un nouveau service de l'hôpital. Ce service dirigé par le docteur Debeyre, me fit une mauvaise impression. Des opérations très lourdes y étaient pratiquées :  Avec Delanghe, j'ai tenu un opéré des deux jambes, puis un officier a été amputé d'une jambe. Une opération de l'appendicite a été pratiquée.
Nous faisions absorber aux blessés de grandes quantités d'alcool, avant ces opérations traumatisantes, même pour les soignants. Toute une pharmacopée vit le jour dès le début du conflit, à l'arrivée des premiers blessés. Pour combattre la douleur, des injections de morphine, des comprimés d'opium et d'antipyrine  étaient utilisés tous les jours. L'importation de l'aspirine des laboratoires allemands Bayer étant devenue impossible, les laboratoires pharmaceutiques français produisaient ce médicament sous le nom d'antipyrine. La digitaline, l'adrénaline et l'arnica permettaient le traitement des états de choc. Enfin, en ce début de guerre, le nitrate d'argent et le violet de méthylène étaient les antiseptiques les plus utilisés.

Le 13 novembre, je dus à mon tour me faire opérer de la main droite par le docteur Debeyre, ce qui nécessita un congé jusqu'à ma guérison.
Profitant de ma liberté pendant cette pause forcée, lors de mes promenades, je vis un train blindé en gare de Dunkerque, avec 18 wagons et des canons 240. Je me rendis à Saint-Pol-Sur-Mer et vit au fort Mardick, 6 canons 240 et 4 canons 155, au fort Ouest, 6 canons 320, puis au fort de Petite-Synthe,10 canons 155.
Je visitais aussi le sanatorium de Zuydcoote, bel établissement situé en bord de mer, avec une capacité de 1500 lits dont 1300 étaient occupés. Pour prendre en charge les nombreux cas d'épidémies de typhus, de rougeole et de scarlatine qui sévissaient depuis la fin octobre, le docteur Beigneux, lieutenant colonel, chef du service de la santé publique, venait de décider d'ouvrir un service spécial dans cet hôpital.  J'en profitais pour voir le fort de Zuydcoote et me promener sur la belle plage de Malo-terminus.  

Le 14 novembre, Roulers, ville belge nommée aujourd'hui Roselaere, fut prise.
Suite aux inondations dans la plaine de l'Yser, Dunkerque n'avait plus rien à craindre et une tentative de l'ennemi d'ébranler nos lignes pour pouvoir gagner Calais, avait été stoppée près d'Ypres, par des unités françaises et britanniques. Beaucoup de soldats allemands participant à cette bataille étaient des jeunes étudiants engagés volontaires, 25000 trouvèrent la mort sous les tirs de soldats britanniques beaucoup plus expérimentés. Cette tuerie est appelé en Allemagne, le "kindermord", le massacre des enfants. Voyant que l'objectif d'atteindre Calais devenait à son tour impossible, les Allemands détruisirent Ypres et ses merveilles architecturales.

Je rencontrais le 17 novembre des connaissances de ma région natale, à Malo-les-Bains : le docteur Raspide, Carmes, Maurel et Cambefort.

le monument aux morts de Mazamet 

C'est ainsi que j'appris avec tristesse le décès de  mon beau-frère Albert Azéma. Il n'avait que 24 ans. Il avait été tué à l'ennemi le 24 septembre, au bois de la Hazelle, à Manonvillers, en Meurthe et Moselle, lors d'un violent bombardement. Il avait le grade de caporal et  appartenait au 53ème régiment d'infanterie. L'artillerie avait tenté, en vain, d'incendier le bois et le bilan était de 4 tués et 13 blessés dont un sous-officier.




Son nom est gravé sur le monument aux morts de Mazamet, sa ville natale.



Ma belle-sœur Valérie Sénégas se retrouvait veuve de guerre, à 22 ans, 3 mois seulement après son mariage.
Valérie veuve




La pension allouée à une veuve de caporal tué à l'ennemi était de 675 francs par an, bien maigre compensation comparée à son immense chagrin.








Ce jour-là, je reçus 10 lettres. La franchise postale pour les soldats et leur famille avait été décrétée dès le 3 août et on m'avait remis gratuitement des cartes de correspondance pré-imprimées. Le service de la trésorerie et poste aux armées avait été créé, afin d'organiser l'acheminement du courrier et de garder le secret sur la localisation des régiments.






Nous échangions aussi des cartes postales. Celles-ci étaient contrôlées et tamponnées par le médecin chef du service de santé avant d'être postées.







Je recevais ainsi des nouvelles de ma famille, ma femme était soucieuse mais elle et nos deux enfants étaient en bonne santé ainsi que le reste de la famille.

Jean et Yvonne


















Au mois d'octobre, j'avais aussi reçu une carte de Lyon, de l'adjudant Bergouniou, qui était à l'ambulance de la 9ème et attendait aussi son départ pour le front.




Le froid commençait à se faire sentir et le 18 novembre, il neigeait. Heureusement, ma femme Louise qui savait bien tricoter, m'avait envoyé un paquet avec des chaussettes et un passe-montagne en laine de pays.






Pendant deux jours, le canon a tonné du côté de Furnes.

Le 20 novembre, j'ai appris par une dépêche datée du 15 novembre que ma nomination en tant qu'officier d'administration de troisième classe du service de santé était parue le 11 du même mois au journal officiel.
Bouteille Pernod 1914



Il ne me restait plus qu'à fêter cet évènement et tenter d'oublier la morosité de cette longue et dure période loin des miens, avec une bouteille de Pernod que j'avais dégotée dans la journée. C'était de l'absinthe, encore appelée "la fée verte". Cette boisson anisée contenait de la thuyone qui , à très forte dose, pouvait entraîner des convulsions et d'importants problèmes rénaux. Un décret venait d'interdire sa vente dans les lieux publics.





Le lendemain, un samedi, avec regret, j'ai raté l'auto qui aurait pu me conduire à Cassel rejoindre mes amis Barthe et Pouzenc. C'est à Cassel que le général Foch  et l'armée britannique avaient établi leur quartier général. Mais j'ai rencontré par hasard Dessenantes, un ami connu à Alger durant mon service militaire en 1906. Comme moi, il venait d'être nommé officier. Nous avions beaucoup de choses à nous raconter et nous avons passé le week-end ensemble. Le lundi, je suis retourné aux forts de Mardick et de Petite-Synthe avec Aussenac. Le mardi, j'ai finalement pu voir Barthe et Pouzenc qui transportaient les marins sur le front. Ceux-ci avaient été relevés, avec la promesse de se reposer pendant 15 jours.

Le 25 novembre, au 117ème jour de guerre, une violente canonnade réalisée par la marine anglaise contre les Allemands se fit entendre sur le littoral du côté de Nieuport. Pendant ce temps, dans le Pays de la Vistule situé aujourd'hui en Pologne, se déroulait la bataille de Łódź. les Russes avaient fait 12000 prisonniers allemands et autrichiens à Kutno en trois jours et la situation de deux corps d'armée allemands semblait compromise. La cinquième armée impériale allemande s'était arrêtée en pleine forêt d'Argonne où elle avait creusé des tranchées et, depuis le mois d'octobre, dans le bois de la Gruerie, se déroulaient des combats acharnés, des assauts meurtriers et des contre-attaques sans répit.

Dès le 26 novembre, je trouvais une nouvelle chambre, rue du Milieu à Rosendaël, chez Monsieur Van Loo, d'une bienveillante sympathie. Je lui donnais un colis de châtaignes que ma famille m'avait fait parvenir d'Albine.

Le lendemain, je recevais l'ordre de la 16ème région de me rendre d'urgence, à la disposition du commandant de la Place de Rodez. J'ai demandé d'être maintenu à ma formation, au front. Deux ordres impératifs suivirent et au troisième, je fus obligé d'obtempérer.





 Je fis des courses effrénées pour me procurer ma tenue d'officier : vareuse, faux-col en cellulose, pantalon, képi avec jugulaire, pantalon satin, pantalon coupé en culotte, ceinturon, porte-mousqueton, étui de révolver, 2 étoiles à 10 branches, révolver, épée, capote transformée, le tout pour environ 150 francs.



Les officiers d'administration du service de santé portaient une étoile à 10 branches au col et au képi.










Le 2 décembre, la victoire russe entre les deux rivières, la warta et la vistule, était signifiée par oriflamme, au bout de la tour de l'hôtel de ville.

Le 3 décembre, je touchais mes indemnités, soit 1008.60 francs.

J'organisai une réunion avec quelques amis, Debeyre, Boulet, Leduc et Blomme, pour fêter mon départ.

Le 4 décembre 1914, je quittai Dunkerque, après deux mois de guerre passés à quelques kilomètres du front. J'allais me rapprocher de ma famille. J'ignorais ce que nous réservait l'avenir, mais après avoir été confronté aux  horreurs générées par la bataille de l'Yser, je souhaitais que cette guerre cesse au plus vite et je savais que ce passage, en tant qu'infirmier militaire, dans cette ville du Nord, resterait à jamais gravé dans ma mémoire.