jeudi 8 novembre 2018

*20* Officier gestionnaire de l'ambulance 1/10 en charge de l'état-civil, à l'asile d'aliénés de Dury du 5 mai au 2 juin 1918 .

Le dimanche 5 mai 1918, venant de Fossemanant, l'ambulance 1/10 arrivait avec l'ambulance 1/6 à l'asile d’aliénés de Dury vers 18h , sous la pluie qui tombait depuis 17h.

extrait de ma carte de Lille au 1/320000 (feuille 8) publiée par le dépôt de guerre en 1852







Sur cette carte, on repère Dury au Sud d'Amiens.
















Nous nous installions dans une popote confortable avec salon, canapés et fauteuils confortables.

Une chambre était mise à disposition de notre médecin-chef Pinat et du chirurgien Fay, un dortoir pour les autres.








L'ambulance 1/10 devenait alors une ambulance chirurgicale et l'ambulance 1/6 était affectée aux gazés. Elles remplaçaient les ambulances 12/9, 9/9, des ambulances marocaines. Nous faisions connaissance à notre arrivée avec Monsieur Fischer, le médecin du centre hospitalier. Trois ambulances divisionnaires et trois ambulances d'Armée étaient affectées à ce centre.
Je devais remplir les fonctions d'État-civil : il y avait 60 cadavres à inhumer, il n'y avait pas de fosses et un retard considérable avait été pris.
Le radiologue Lapouble nous rejoignait avec son groupe de douze hommes.

Le 7 mai, en prenant le service d’État-civil, je n'avais pas de fossoyeur à disposition, il y avait 80 cadavres à ensevelir car depuis le 28 avril aucune inhumation n'avait été réalisée. Il fallait gérer 190 successions et 60 actes de décès.
Le médecin de la 42ème division faisait prendre la tente tortoise que nous avions laissée sur les ridelles.
La 42ème division occupait 1400 mètres, son état-major se trouvait à Boves, ainsi que le poste central du GBD, le groupe de brancardiers divisionnaire. Il y avait deux autres postes avancés, l'un à Blangy, l'autre à la côte 116 dans une tranchée.

Monsieur Bory, médecin principal de deuxième classe, arrivait le 8 mai à l'asile pour prendre la direction du Centre Hospitalier et réorganisait les services.





L'arriéré aux inhumations disparaissait très lentement malgré l'équipe de zouaves venus en renfort pour le creusement des fosses.








 Le 9 mai, Monsieur Briancourt, lieutenant du Génie de la 42ème division rentrait à Dury, ayant été blessé la veille vers 23h par un éclat d'obus dans son abri. Ce n''était pas grave. Le médecin divisionnaire Cros et Monsieur Galimart avaient été aussi blessés légèrement.

Le 10 mai, j'allais faire le ravitaillement à Prouzel en passant par Saleux. Je croisais sur ma route deux tanks Saint Chamond qui traversaient ce village et allaient au parc où se trouvaient déjà quinze autres appareils. En gare de Prouzel, quinze autres étaient encore sur des plateformes.
Je passais à Fossemanant puis par Conty et Bosquel pour arriver à Rogy où je trouvais mon frère René. C'était le jour de mes 33 ans, et à cette occasion j'avais pu avec plaisir passer trois heures avec lui. Je retournais en camion jusqu'à Nampty. 
Des avions avaient laché des bombes sur la rue des Trois-Cailloux à Amiens.

Le 12 mai, l'ambulance 2/4 de la 66ème division était bombardée à Estrées où elle fonctionnait. De ce fait, elle était affectée au centre de Dury. Monsieur Ferraton venait inspecter notre formation dans la soirée, accompagné de Clémenceau. L'établissement changeait d'aspect tous les jours, le service s'améliorait et on sentait une bonne administration. Il y avait eu 17 décès depuis notre arrivée. Concernant la gestion de l'État-civil, l'arriéré disparaissait un peu tous les jours.

Le 15 mai, vers 21 h, les saucisses portant filet montaient dans la périphérie d'Amiens. Un avion laissait tomber deux bombes sur le parc à chevaux : six de nos chevaux étaient tués et cinq blessés dont un gravement, avec un chiffre identique de chevaux morts et blessés à l'ambulance 1/6. Trois automobilistes étaient blessés et deux durent subir une amputation. Le lendemain, on se hâtait de faire des croix blanches pour les chevaux Bombay, Barnave, Bucy, Boëldieu, Burnouf et Buse.  Le vétérinaire Monsieur Léger venait voir les chevaux blessés abrités dans un hangar. Je me rendais à Fleury et Conty pou faire des versements au payeur et je rentrais péniblement.

Le 17 mai, il y eut un peu d'agitation dans notre service : on assistait à une transfusion de sang sur un automobiliste réalisée par un camarade. Les transfusions tenaient compte des groupes sanguins mais les groupes Rhésus étaient encore inconnus. On commençait à utiliser l'appareil de Jeanbreau pour les transfusions.

Le 18 mai, le front s'agitait et des tirs touchaient Amiens, des tirs percutants sur la gare Saint Roch et des tirs fusants sur les carrefours. Cela faisait trois jours que nous avions à la popote un américain radiographe. Je recevais la visite de l'officier responsable de l'État-civil à la Ière Armée : il m'apprit que Joseph De Laurens avait quitté le service de l'État-civil pour celui du ravitaillement.

Le dimanche 19 mai, jour de Pentecôte, l'activité des artilleurs était plus importante et on sentait qu'une attaque était en préparation. Elle était prévue par l'ennemi pour le 22 mai.
Darin était désigné pour le 321ème RAL -régiment d'artillerie lourde- et Saxe pour le 16ème BCP-bataillon de chasseurs à pied-tandis que Canac devait rejoindre notre ambulance.
Dans la nuit, des bombes tombaient sur Poix et sur l' ADF- l'Association des Dames de France- à Grandvilliers. Je présentais mes salutations respectueuses à Madame Bellancourt.

Le 20 mai, j'avais une pensée pour mon frère René qui devait apprécier de partir en permission. Canac rejoignait l'ambulance, grippé, et le 22 mai, Darin rentrait malade à l'ambulance 1/6.

Le 23 mai, un nouvel officier d'administration arrivait à l'ambulance 12/21 pour assurer la gestion.




A Saleux, on pouvait voir le char allemand A7V numéro 742 Elfriede. Le 24 avril, après la reprise de Villers Bretonneux, les Allemands l'avaient laissé renversé dans la carrière du bois du Monument. Il avait été récupéré et amené à Saleux. 






Le 25 mai, je me rendais à Boves et à Cottenchy avec Bataille. Nous avons été bombardés à côté du village.
Le lendemain, Monsieur Hames, officier d'administration de 2ème classe, prenait la gestion de la partie chirurgie et Monsieur Theillay gardait la partie médicale. Il devait être établi deux états-civils distincts.



Le 27 mai, les obus de 380 mm tombaient sur Amiens et sur la route de Dury. Ils provenaient d'un canon allemand installé dans un bois à Chuignes.



L'ennemi préparait une attaque dans l'Aisne et en Champagne. Le 28 mai, il avait avancé jusqu'à Pont-Arcy et il avait passé l'Aisne en plusieurs endroits. Son attaque partait de Vauxaillon jusqu'à Brimont, avec une forte intensité d'artillerie répartie sur tout le front. Amiens était particulièrement touché. L'ennemi avait pris Fismes et avait progressé au Nord-Ouest de Reims. Le lendemain, il avançait encore vers Crugny, menaçant Soissons. Le 30 mai, Soissons et Fère-en-Tardenois étaient pris, Ville-en-Tardenois était menacé. L'ennemi était un peu plus contenu du côté de Reims mais il accusait 15000 prisonniers français et 25000 anglais. Le 31 mai, son avance se poursuivait toujours, il avait pris Fère-en-Tardenois et Vezilly, il avait atteint la Marne près de Jaulgonne. Reims était investi par des obus de 270 mm  mais tenait encore. Le 1er juin, l'avance continuait, l'ennemi était à Château-Thierry depuis le 30 mai à minuit et allait vers Jaulgonne. Il avait Ville-en-Tardenois et Champlat que nos troupes arrivaient à reprendre. Il tenait Soissons et Faverolles.

Le 2 juin, nous recevions l'ordre de quitter l'asile de Dury. L'ambulance 1/10 devait prendre la Section d'Hospitalisation 1/6 -le SH 1/6- et se rendre à Sains-en-Amienois. L'ambulance 1/6, l'équipe chirurgicale 19 et le Centre Spécial de réforme 125 -le CSR 125- devaient aller à la colonie scolaire de Dury. Un contre-ordre arrivait dans la soirée : Notre ambulance 1/10 devait relever le 3 juin 1918 l'ambulance 1/64 à la colonie scolaire de Dury et l'ambulance 1/6 était envoyée à Sains-en-Amienois pour relever l'ambulance 2/55.

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