lundi 24 juin 2019

*26* Officier d'administration à l'intendance du magasin d'approvisionnement du ravitaillement du 8 février au 6 juin 1919

Le 7 février 1919, alors que j'étais affecté à l'ambulance 1/10 qui se trouvait à Givet dans les Ardennes, j'étais mis à disposition de la 16ème Région militaire qui était ma Région d'origine.

Alors que j'avais regagné mon domicile à Albine, je recevais l'ordre de la direction du service de santé daté du 15 février 1919, m'indiquant que j'étais affecté à la direction du service de santé de Montpellier, pour être détaché au Magasin d'approvisionnement du Ravitaillement, dans le service de l'Intendance. L'ordre était signé du médecin inspecteur directeur du service de santé. Je devais me rendre à Montpellier sans tarder.









Avant mon départ, ma femme m'avait montré le déguisement qu'elle avait choisi pour le carnaval.










Le 26 février, on me délivrait une carte individuelle d'alimentation fournie par le ministère de l'agriculture et du ravitaillement. Depuis le mois de mai 1918, un rationnement par tickets avait été instauré. Le rationnement pour le sucre perdurait encore en 1920 et j'ai gardé la carte individuelle de sucre délivrée par la Mairie d'Albine cette année là.

 


Le 1er mars, j'étais affecté au Centre d'approvisionnement en denrées de Montpellier, au service de l'Intendance, en qualité de gestionnaire. Je devais remplacer l'officier d'administration de 3ème classe Leroy d'Auderic qui était démobilisé. Celui-ci était originaire de Narbonne et avait fait toute la campagne 1914-1918 dans ce poste. Je logeais au 11 rue Rondelet.


Louise avait pu me rendre visite avec les enfants à Pâques, le 20 avril. Je les avais amenés voir le château d'eau, monument emblématique de la promenade du Peyrou.

 



Mon frère René pensait à nous d'Allemagne et avait envoyé à Yvonne, une jolie carte pour lui souhaiter de joyeuses Pâques.


Il espérait pouvoir avoir une permission à la fin du mois de mai, comme il l'écrivait sur une carte datée du 3 mai 1919 représentant la ville de Brusson :
" Mon cher Ernest, Toujours dans notre enceinte fortifiée. Les canards courent toujours et ce serait prévu la semaine prochaine notre départ pour Lyon. Elie doit arriver vers la fin mai, ma permission sera par là, vers cette date. Elle sera peut-être retardée car le chef va partir en perme. Il faudra que je le remplace jusqu'à sa rentrée. J'épuise un stock de cartes postales car je ne suis pas à Brusson. Bons baisers. René"

En lisant cette carte, l'idée me vint d'organiser nos retrouvailles et d'obtenir une permission pour aller passer un moment avec eux à Nancy.

En mai, ma femme me tenait au courant par courrier des problèmes rencontrés à l'usine de délainage d'Albine. Une peleuse nommée Rose Rouanet avait apparemment contracté la maladie du charbon.
Je lui répondais pour lui donner quelques conseils afin d'éviter une épidémie au cas où cette maladie serait contagieuse.
"Ma chérie, je viens de recevoir ta lettre sur laquelle tu me signales l'incident survenu à Rose Rouanet. Je suis désolé par l'importance et le caractère de cette maladie. Des précautions doivent être prises, car si cette pustule maligne, n'est pas par elle-même contagieuse, la cause qui l'a donnée doit exister quelque part peut-être et d'autres cas peuvent surgir. Des mesures de propreté sont indispensables. J'ai ma permission en poche pour Nancy. Je compte y aller la semaine prochaine et espère aussi que ma démobilisation va avoir lieu bientôt. Je ne sais pas si je viendrais avant mon départ, je ne l'espère pas. Je vous embrasse bien fort. Il fait très chaud, je me suis allégé. Ernest."

Il me tardait d'obtenir ma démobilisation. Les officiers de mon âge avaient été démobilisés avant la fin du mois de mars. Par suite de difficultés de remplacement, je devais encore attendre.

Ayant obtenu ma permission comme prévu pour Nancy, j'ai pu ainsi retrouver à cette occasion mon frère René et mon cousin Elie. Le 27 mai, j'avais pu regagner Paris et me rendre à Laroche.





De Paris, j'avais envoyé une carte à ma fille Yvonne pour lui redonner confiance pour vaincre quelques difficultés qu'elle avait en classe.







" Sois très mignonne. N'oublie jamais que tu as de gros efforts à faire pour résoudre tes problèmes, et ne néglige pas ta classe. Si tu écoutes Maman, tu surmonteras ces difficultés et tu seras toute heureuse du résultat. Je t'embrasse bien fort. Ton papa Ernest."






A mon retour, je prenais connaissance de l'appréciation notée sur mon dossier militaire par le sous-intendant militaire de 2ème classe Pringuet :






Le 6 juin, mon frère René m'envoyait son bon souvenir de Landau in der Pfalz.
Il était encore avec le 6ème colonial en Allemagne, à une vingtaine de kilomètres de la frontière franco-allemande, une des clauses de l'armistice du 11 novembre 1918 étant le maintien des troupes alliées dans cette zone.




Le 7 juin, il m'écrivait cette fois-ci de Bad Dürkheim, à l'usine d'Albine car je venais d'être enfin démobilisé.

"7/6/19  Mon Cher, c'est au nouveau civil que j'écris pour la première fois. Bonne chance là-dedans. Baisers à vous tous. René."

 

René devait encore attendre la fin du mois d'août pour être démobilisé et repartir ensuite travailler au Sénégal. Il avait obtenu des décorations en souvenir de cette guerre : la croix de guerre, l'étoile d'argent, l'étoile de bronze et la médaille militaire.

Monsieur Gustave Sarrat, patron de l'usine de délainage que je dirigeai à Albine était intervenu en ma faveur à Paris auprès d'Henry Simon, originaire de Labruguière, député du Tarn et Ministre des Colonies dans le gouvernement de Georges Clémenceau. Mon retour pour assurer mes fonctions de direction de l'usine devenait urgent.

Un certificat de cessation de paiement était joint à mon livret de solde :



Le 28 juin 1919, le traité signé entre l'Allemagne et les Alliés dans la galerie des Glaces du château de Versailles, là-même où le Kaiser avait été proclamé roi de Prusse en 1871, mettait fin à la première guerre mondiale qui avait coûté la vie à plus de sept millions d'hommes. Ce traité aboutissait notamment à la restitution de l'Alsace et de la Lorraine, ainsi qu'à l'attribution à la France en toute propriété des mines de charbon de la Sarre.



J'ai gardé précieusement ma plaque d'identité de cette période de guerre ainsi que la croix de guerre avec étoile de vermeil qui m'a été attribuée pour avoir obtenu une citation à l'ordre du corps d'armée.








L'usine d'Albine avait retrouvé tout son personnel comme on peut le constater sur cette photo :

Le personnel de l'usine Galibert et Sarrat à Albine en 1921

le monument aux morts d'Albine.









En tant qu'ancien combattant, je participais aux commémorations de l'armistice au monument aux morts.

















J'avais obtenu la carte du combattant et j'étais membre actif de l'association "ceux de Verdun".












J'étais aussi membre de l'amicale des officiers d'administration de réserve du service de santé de France et des colonies.











En 1932 et 1933,  alors que j'étais Lieutenant de réserve, j'ai été officier instructeur à l'école de perfectionnement des sous-officiers de réserve de Saint Amans Soult.









Le 22 avril 1941, j'ai été autorisé à porter la Médaille de la Victoire.


















Le 10 mai 1944, jour de mes 59 ans, j'ai été rayé des cadres par le ministre de la guerre et j'ai ainsi cessé de faire partie du corps des officiers de réserve.

 Le 21 octobre 1947, j'ai été admis à l'honorariat et le Ministre de la Guerre m'a adressé ses remerciements pour mes services rendus à l'Armée.












A l'occasion de la commémoration du centenaire de la fin de la première guerre mondiale, je termine la publication de mes mémoires de guerre, avec l'espoir que mes souvenirs ne sombrent pas dans l'oubli.