ma liste de courses, prix en francs |
J'achetai également du silicate de potasse pour 1.50 francs, nous en avions besoin pour la conservation des œufs. En en diluant 1 litre dans 10 litres d'eau, on pouvait conserver 20 douzaines d’œufs.
En passant par Saint-Rémy-aux-Bois, Vennezey et Giriviller, je me rendis à Magnières où je vis l'église toute détruite par nos batteries de 75 en août 1914, en riposte aux Allemands qui avaient logé leurs blessés dans l'église et installé des mitrailleuses dans le clocher.
carte au 1/200 000 (extrait de l'atlas Michelin des routes de France) |
Je trouvai une note à la mairie qui me permit de prendre des ordres à la section sanitaire 109 du 20ème train des équipages.
J'appris ainsi que nous devions nous rendre à Chenevières par Moyen et Vathiménil.
carte au 1/200 000 (extrait de l'atlas Michelin des routes de France) |
Notre ambulance 1/10 devait rejoindre la 42ème division d'infanterie qui avait quitté le secteur de Verdun et devait venir relever la 128ème division d'infanterie. La 42ème division avait reçu l'ordre du Groupe d'armées de l'Est, le G.A.E, de se rendre dans la région de Lunéville pour y occuper un secteur dans le Détachement d'armée de Lorraine, le D.A.L. Ce secteur était limité au Nord par la forêt de Parroy et au Sud par la lisière Nord du village de Domèvre-sur-Vezouze.
Après avoir parcouru 60 kilomètres, j'arrivai à Chenevières. Cette ville possédait une belle église avec un chœur gothique et un autel en pierre de Savonnières, roche calcaire exploitée en Lorraine.
cantonnement à Chenevières |
cantonnement à Chenevières |
Je trouvai de grandes difficultés à faire le cantonnement, un grand nombre de troupes s'y trouvant à cause de la relève.
Pour la paille de couchage, la ration était de 5 kg renouvelable tous les 15 jours. En hiver, pour se chauffer, la ration des troupes cantonnées comportait 850 g de bois, 530 g de charbon et 25 g de bois d'allumage.
Les troupes qui bivouaquaient avaient droit à une ration de 1010 g de bois, 630 g de charbon et 25 g de bois de chauffage.
Pour l'éclairage, du 1er mai au 30 septembre, les officiers avaient droit à un quart de bougie, puis à une demi bougie soit 30 g du 1er octobre au 30 avril. Les hommes des troupes n'avaient qu'une bougie par escouade soit 4 grammes par homme du 1er octobre au 30 avril et cette ration était réduite de moitié du 1er mai au 30 septembre. On leur fournissait une boîte d'allumettes en quinzaine, ainsi que du savon à raison de 8 g pour la propreté corporelle et 4 g pour le lavage des effets.
La ration minimum de foin était de 3,5 kg et celle d'avoine de 5,5 kg.
Je fis alors connaissance avec notre médecin divisionnaire, Monsieur Jean-Baptiste Loustalot, âgé de 50 ans, affecté à la 42ème division d'infanterie depuis le 26 juillet 1915. Il me fit la meilleure des impressions.
Les conducteurs et les chevaux de l'ambulance 1/10 détachés au CVAD 1/268 à Charmes depuis le 5 juin étant revenus à Bayon dans la nuit, le gros de la colonne qui était parti de Bayon en fin de matinée après avoir chargé les fourgons et fait une grande halte pour se sustenter à Moyen, arriva à Chenevières vers 20 heures.
Le lendemain, je me rendis à Saint-Clément pour prendre contact avec l'état-major de notre 42ème division et je fis le ravitaillement à Lunéville.
Monsieur Maurice Rigal, notre médecin-chef, se rendit aussi à Saint-Clément pour rencontrer Monsieur Loustalot et il reçut l'ordre de remplacer l'ambulance 5/53 aux postes de Bénaménil et Chenevières.
Ce passage à Saint-Clément fut l'occasion de retrouver Monsieur Froment, notre ancien médecin-chef, affecté depuis un mois au 167ème régiment d'infanterie à Reillon, à quelques kilomètres de là. Le lendemain, il vint déjeuner avec nous.
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Le 13 juin, Monsieur Dupain, médecin aide major de 1ère classe du 168ème régiment d'infanterie, fut affecté à l'ambulance 1/10 et me fit lui aussi une très bonne impression. Vu qu'il était plus ancien en grade que Monsieur Rigal, il devint aussitôt notre médecin-chef et se rendit à Bénaménil où était installé le poste chirurgical et celui de triage.
général Deville (military-photos.com) |
Général Berthelot (wikipédia) |
En ce mois de juin 1916, son état-major se trouvait à Ozerailles et il était commandé par le général Henri Berthelot. Il était formé alors de la 42ème division d'infanterie commandée par le général Deville et de la 45ème division marocaine commandée par le général Quiquandon.
L'état-major de la 42ème division se trouvait à Saint-Clément et celui de la 45ème division marocaine se trouvait à Baccarat.
Monsieur Billouet était le médecin directeur du service de santé du 32ème Corps. Le groupe de brancardiers de ce Corps d'Armée, le G.B.C, se trouvait à Glonville. Son gestionnaire était Monsieur Lefevre, son pasteur protestant était Monsieur Martin. Le groupe de brancardiers de la 42ème division, le G.B.D, avec Monsieur Maroger pour pasteur protestant, se trouvait à Laronxe. Il était attribué un pasteur, deux prêtres et un rabbin à chaque G.B.C et le G.B.D avait deux prêtres de plus.
En tant qu'officier d'approvisionnement, j'ai été envoyé au poste de Chenevières, avec Monsieur Louis Servanty, officier gestionnaire, et les médecins Maurice Rigal et Raymond Midon.
les baraques Adrian du poste de Chenevières |
Ce poste comprenait au départ 4 baraques Adrian pour recevoir une quarantaine de malades et blessés légers dont le traitement ne durait pas plus de deux semaines.
Voici sur cette photo, l'intérieur d'une baraque du poste de Chenevières. Je suis au premier plan, assis sur un lit.
Chaque matin, nous devions communiquer le nombre de lits disponibles pour la journée, par téléphone, à Monsieur Loustalot.
Notre médecin-chef, Monsieur Dupain, le chirurgien Del Pellegrino revenu de son détachement à l'hôpital de Rambervillers, le docteur Camille Massina, le pharmacien Jean Caubon, 8 infirmiers et 3 hommes du train des équipages étaient affectés au poste de Bénaménil. C'est là qu'on envoyait les blessés et malades intransportables, nécessitant une intervention chirurgicale urgente. Parfois, les blessés devaient y être amputés.
Me voici, devant une voiture sanitaire |
salle de pansements de l'ambulance 1/10 |
Ce poste possédait deux baraques Adrian de 20 mètres, situées à la sortie du village, sur la route de Bénaménil à Lunéville. Une baraque était affectée aux services généraux, l'autre possédait 12 lits en grillage métallique.
A l'une de ses extrémités, se trouvaient une salle de stérilisation, une salle de pansements et la salle d'opération. Les tables de ces salles étaient recouvertes de toile cirée noire ou blanche. La salle d'opération était entièrement tapissée par du calicot blanc, son plafond lavable était en toile cirée blanche. Notre chirurgien jugeant insuffisant son éclairage assuré par des lampes réglementaires, le médecin-chef m'avait sollicité pour que je leur procure une lampe à incandescence. Monsieur Dupain souhaitait aussi obtenir une douzaine d'aiguilles de Hagedorn. Il y avait une porte de communication entre la salle de pansements où étaient déshabillés les blessés et la salle d'opération. Les blessés entrants devraient traverser la salle des soldats en traitement avant d'arriver dans la salle des pansements, ce qui ne facilitait pas le repos nocturne des malades.
C'était aussi un poste de triage pour les malades sans gravité et les blessés du secteur. Ils étaient amenés par des automobiles sanitaires du G.B.D parties de Laronxe en fin de matinée pour effectuer une tournée jusque dans l'après-midi. A leur arrivée, au plus tard trois heures après leur blessure, un de nos médecins les examinait et décidait de les diriger vers notre ambulance 1/10, ou vers les ambulances 1/6 ou 7/6 ou vers l'HOE de Lunéville, en fonction de la gravité de leur état et des places disponibles pour les accueillir. Chaque matin, Monsieur Loustalot transmettait à Monsieur Dupain, le nombre de lits disponibles dans chacune des ambulances. Monsieur Harmesse était l'adjoint directeur de l'ambulance 1/6.
Tous les blessés du secteur arrivaient à ce poste de triage à l'exception de ceux de Laneuveville-aux-Bois et de Marainviller qui étaient directement évacués sur l'ambulance 7/6, à Lunéville.
Le poste de Bénaménil se trouvait à 7 kilomètres d'Emberménil, de Reillon et d'Erbéviller, au centre d'un large arc de cercle décrit par la ligne ennemie.
Ces photographies représentent un réseau de fils barbelés et une haie camouflée abritant la route de Bénaménil.
Le fil était mis en place sur des poteaux durant la nuit, en évitant d'utiliser des outils bruyants pour ne pas se faire repérer par l'ennemi. Le réseau de fils barbelés permettait de ralentir l'avance des troupes adverses. Des ouvertures étaient ménagées dans les barbelés pour permettre le passage des soldats lors des patrouilles.
La haie camouflée permettait de protéger cette route stratégique de Bénaménil. En cette année 1916, le développement des techniques de camouflage était tel que beaucoup d'artistes étaient rappelés du front ainsi que des menuisiers, charpentiers, tôliers, monteurs ou ajusteurs, pour mettre leur talent au service du pays. Des territoriaux étaient requis pour le transport du matériel alors que des sapeurs préparaient les terrains destinés à recevoir des installations camouflées. Depuis le mois d'août 1915, une section de camouflage commandée par le peintre Guirand de Scévola avait été créée par le ministre de la Guerre. Ce peintre, alors qu'il était mobilisé en 1914 dans un régiment d'artillerie, avait eu l'idée de dissimuler les canons sous des toiles peintes aux couleurs de la nature environnante pour éviter le repérage par l'ennemi. C'est aussi en 1915 que les pantalons "rouge garance" avaient été remplacés par l'uniforme "bleu horizon", de couleur beaucoup plus discrète.
Le 16 juin, à la faveur d'un temps splendide, les avions boches ont fait une incursion sur Lunéville. Malgré le tir de nos batteries et l'intervention de nos Nieuport de chasse, ils ont pu survoler la ville. S'il ne leur a pas été possible de jeter des bombes, ils ont pu exercer une surveillance profitable, en raison de la relève des 128ème, 41ème et 71ème divisions.
Des tauben faisaient une incursion quotidienne, particulièrement sur Lunéville. Le 17 juin, à 16h, 20h et 24h, il y eut des tirs et l'intervention des avions de chasse sans résultat.
L'aviation, toute jeune formation, montrait depuis les débuts de la guerre, toute son utilité, malgré la réflexion de Foch : "l'aviation, c'est très bien comme sport, mais pour la guerre c'est zéro".
Depuis 1890 et le premier vol de Clément Ader, toute une industrie était née, et de nombreux jeunes pilotes avaient appris à manier ces machines. En 1909, grâce au capitaine Ferber et au général Roques, l’école Supérieure d'Aéronautique avait été créée. Cette école devait former des pilotes militaires et avait décidé d’acquérir cinq nouvelles machines "aéroplanes".
extrait d'une carte postale du 2/7/1916 envoyée à ma femme |
Sur cette carte postale datée du 2 juillet 1916, j'avais écrit à ma femme : "Hier au soir, j'ai vu un dirigeable français, puis aujourd'hui bombardement par avion.
Je viens d'écrire à nos parents. Baisers. Ernest"
Au début de la guerre, l'aviation n'avait qu'un rôle d'observation, tout comme les ballons et les dirigeables pilotés par les aérostiers. Ces derniers étaient confinés dans les places fortes et ils étaient équipés de ballons sphériques de 750 m3 qui dés la fin août 1914 furent utilisés pour aider l'artillerie. En mars 1916, chaque corps d'armée possédait sa compagnie d'aérostiers. Depuis 1914 les ballons étaient de forme allongée, et pour améliorer leur orientation ils avaient une queue de godets, tels des cerfs volants. Très vite, vu leur forme, on les désigna sous le nom de "saucisse". Leur rôle consistait à surveiller les activités de l'ennemi, repérer ses batteries grâce aux lueurs ou fumées, et régler le tir de l'artillerie amie. L'observateur, dans sa nacelle d'osier, transmettait par téléphone les informations recueillies. En mars 1916, il fut équipé d'un parachute, les attaques d'avions ennemis le rendant vulnérable. La météo pouvait aussi s’avérer dangereuse, comme en mai 1916 où une bourrasque emporta 26 ballons en Lorraine, avec pour conséquence des observateurs tués, blessés ou capturés.
La mission de rapporter des informations stratégiques était dévolue aux aviateurs qui n'avaient pas encore des armes, mais qui avaient aidé ainsi à gagner la bataille de la Marne. De nombreux constructeurs imaginaient des prototypes. Blériot, Voisins, Farman, Nieuport, Breguet, Deperdussin, Morane-Saulnier, essayaient d'obtenir des commandes en nombre. Petit à petit, les missions de reconnaissance avaient été complétées par des aides indispensables aux artilleurs, et blindés et équipés d'armes, les avions étaient devenus chasseurs. Les améliorations se succédaient très rapidement, comme les expériences de tir à travers l'hélice. De jeunes pilotes s'illustraient par leur courage et la réussite de leur mission. L'escadrille des cigognes dont firent partie Georges Guynemer, René Fonck, Roland Garros et Alfred Heurtaux fut la plus célèbre.
Nieuport XI (source : wikipédia) |
Notre 42ème division avait la 26ème compagnie d'aérostiers ainsi que l' escadrille MF45 rattachées à son service.
Cependant, les Nieuport vus le 16 juin dans le ciel au dessus de Lunéville faisaient partie de l'escadrille N 48 rattachée au DAL depuis le mois d'avril 1915. Équipée de Nieuport XI depuis le mois de mai 1916, elle effectuait régulièrement des missions dans la région de Lunéville.
Du côté allemand , on n'était pas en reste : dés 1914, les Tauben, chasseurs monoplans, avaient semé la terreur, et les dirigeables du comte Von Zeppelin apportaient de nombreuses informations stratégiques. En 1915, Anthony Fokker, hollandais vivant en Allemagne, remporta le concours du constructeur devant remplacer les Tauben. Des séries d'avions très maniables devinrent la hantise des pilotes français, entretenus dans cette invincibilité par l'As allemand, le baron Von Richtofen ou Baron Rouge.
Entre le 18 et le 22 juin, nous avions construit au poste de Chenevières une baraque Adrian de 25 mètres et emménagé les autres, afin de pouvoir mettre une centaine de lits. Pour réaliser ces travaux, nous nous étions procuré du bois dans la forêt domaniale de Mondon, au chantier du lieu-dit de la Pointe des Crâs signifiant en patois lorrain la Pointe des corbeaux. Pour s'y rendre, on avait suivi la route nationale entre Saint-Clément et Lunéville, puis pris le chemin menant en forêt par la ferme d'Edmond Fontaine. La coupe du Mississipi nous avait permis de récupérer le bois nécessaire. Il nous fallait 6 traverses de 1 mètre pour le soutien, des morceaux de bois de 5 mètres de long sur 0.80 mètre de largeur pour la garniture. Ces travaux avaient donné entière satisfaction à Monsieur Billouet et à Monsieur Loustalot.
Les blessés nous relataient les circonstances de leurs blessures. Ainsi, le 24 juin, un soldat du 100ème, en jetant une grenade dans la Meurthe, avait reçu tous les éclats, par suite d'une avance à l'explosion. Sa mort fut instantanée et sa main complètement sectionnée. A trente mètres du point où avait éclaté la grenade, un inoffensif pêcheur à la ligne avait reçu un éclat à l'avant-bras gauche, son artère cubitale avait été sectionnée et le projectile avait pénétré de quatre centimètres dans la plaie.
Le 17 juin, devant nos baraques, j'avais été témoin de la mort du caporal Taime, tué malencontreusement par une automobile.
Le 3 juillet, un accident s'était produit entre Saint-Clément et Chenevières. Une caisse de grenades explosa, provoquant la mort d'un soldat assis dans la voiture. Le conducteur et deux sergents assis dans cette automobile en sortirent indemnes, les chevaux n'avaient pas été atteints. Dans les prés et les champs en bordure de la route, on pouvait voir des grenades éparses.
Les villes de Lorraine étaient plus ou moins sinistrées. Les avions boches avaient jeté des bombes sur Lunéville, le 24 juin. Deux d'entre elles tombèrent, sans créer de dégâts, à côté de l'usine à gaz Jeanmaire qui possédait deux gazomètres et était associée à une centrale électrique.
Les 1er et 2 juillet, le quartier de la gare Saint-Georges à Nancy avait été bombardé par de la grosse artillerie. Une dizaine d'obus étaient tombés sur ce quartier, tuant environ 80 personnes. Cette ville fut à nouveau bombardée le 1er août, puis le 13 août sans faire de victimes avec 5 obus de 380 mm.
Le 16 juillet, à la faveur du brouillard, un avion ennemi volant à 150 mètres à peine, était venu lancer des bombes sur Saint-Clément. Quatre tombèrent sur l'usine de poterie et dix-huit autres dans les environs tandis que l'usine de papeterie, dépôt de munitions, était menacée.
Le 2 juillet, je me rendis une nouvelle fois à Gerbéviller, au cœur de la vallée de la Mortagne. Dans cette ville systématiquement bombardée, je vis de lamentables ruines et un immense champ de bataille avec des tombes éparses. Un mausolée était élevé au 36ème Colonial. Ce régiment d'infanterie coloniale y avait été décimé par l'ennemi, à la fin du mois d'août 1914. Tous les officiers avaient été tués et le nombre de soldats rescapés ne pouvaient constituer qu'un bataillon. Le 25 août, Frédéric Wolff, commandant les marsouins du 4ème bataillon de ce régiment, avait tenté de se rendre avec ses hommes. Il fut accusé de trahison et condamné par le conseil de guerre du quartier général de la IIème armée pour "tentative de capitulation et provocation à la fuite en présence de l'ennemi". Exécuté pour l'exemple, le 1er septembre 1914, à Remenoville, ce fut l'un des premiers fusillés de la Grande Guerre.
Baccarat, jolie petite ville sans caractère particulier, avec de grandes artères, possédait un beau pont sur la Meurthe en partie démoli. L'ancienne ville, située sur la rive gauche, avait été à demi détruite par les Allemands, le 24 août 1914. L'église, premier monument après le pont, avait son horloge arrêtée à 11h25. Son clocher était tout lézardé, sa toiture enlevée, de telle façon qu'on voyait les cloches encore utilisées. La cave de cette église était pleine de matériel du Génie. Le grand quartier anciennement riche n'était plus qu'un amas de décombres après avoir reçu des bombes incendiaires.
"Une carte qui me tombe sous la main et qui donne une idée du vandalisme des barbares." |
Ces quelques mots, adressés à mes jeunes enfants de quatre et six ans au dos de cette carte postale montrant la mairie détruite, témoignent de mon ressenti, après mon passage dans les rues en ruine de Baccarat.
Quelques courts et rares moments de détente nous permettaient de tenir. Ainsi, lorsque le temps était radieux, il m'arrivait d'aller me baigner dans la Meurthe pendant que d'autres préféraient faire une petite sieste réparatrice dans l'herbe.
En ce début d'été 1916, avec des membres du personnel de l’ambulance 1/10, nous faisions prospérer la culture maraîchère sur les terres de Lorraine.
Des deux côtés des belligérants, la décision de cultiver des légumes frais tout prés du front avait été prise. Topinambours, rutabagas et même orties côté allemand furent cultivés pour améliorer l'ordinaire des popotes, et alimenter le bétail. Les rutabagas entraient dans la fabrication du pain et même d'un "ersatz" de café. Les choux-raves remplaçaient les pommes de terre. Le houblon ou les feuilles de chêne se substituaient au tabac. Cela ne donnait qu'une bien maigre récolte qui ne pouvait rassasier tout le monde, mais cela apportait un minimum apprécié. Il ne faut pas oublier que dans la zone occupée la famine menaçait. Les espoirs de paix étaient sans fondement et il fallait s'organiser.
Depuis le 20 juin, la ration de café jusque-là de 16 g avait été portée à 24 g, celle de sucre de 21 g à 32 g. Pour le thé, elle était de 3 g avec 10 g de sucre.
En Lorraine, comme ailleurs dans toute la France, c'était aussi la période des moissons. Les agriculteurs utilisaient en ce temps-là les bœufs pour tirer les charrettes.
extrait de la carte envoyée le 2 juillet 1916 à ma femme |
Au dos de cette carte, j'avais écrit à ma femme, que les attelages de bovins lorrains étaient bien différents de ceux de ma région :
"Ma chérie, vois comment cet attelage est drôle. Il n'est pas singulier, mais représente bien la généralité de tous les attelages de Lorraine."
Je me tenais informé de l'actualité en lisant divers journaux comme l'Est Républicain, le Journal, le Cri de Paris ou l’Écho de Paris. J'appris ainsi que, le 1er juillet, une offensive conjointe anglaise et française avait eu lieu dans la région du Nord : c'était le premier jour de la bataille de la Somme. Les résultats de l'offensive française au Sud de ce fleuve, entre Maricourt et Lassigny, étaient encourageants. Le groupe d'armées du Nord commandé par Foch, composé de la VIème armée et de la Xème armée, respectivement sous les ordres du général Fayolle et du général Micheler, avait pu faire une avancée relativement sensible, prendre des canons et des mitrailleuses à l'ennemi et faire prisonniers 5 à 6000 Allemands.
Mais ce 1er juillet 1916 fut le jour le plus meurtrier de toute l'histoire militaire britannique. Après une préparation d'artillerie d'une semaine qui avait fait tomber 1,6 millions d'obus sur les lignes allemandes, les jeunes Tommies, engagés volontaires britanniques inexpérimentés, positionnés sur un front de 25 km entre Maricourt et Bapaume, obéirent aux ordres du général Rawlinson et montèrent à l'attaque, au pas. Face à eux, la IIème armée allemande commandée par le général Fritz Von Below, riposta violemment par des tirs de mitrailleuses. Ce jour-là, 57000 soldats du groupe d'armées du maréchal Douglas Haig furent mis hors de combat dont 19240 morts.
Durant ces premiers jours de juillet, l'aménagement des baraques Adrian de Chenevières se poursuivait. Le sol de la cuisine avait été cimenté. Après avoir recherché et trouvé facilement un point d'eau, nous avions creusé un puits qui avait donné satisfaction mais mécontenté le Génie qui nous avait reproché d'avoir opéré sans lui.
j'utilisais la jument Banane, pour mes déplacements. |
Ma mission d'officier d'approvisionnement consistait aussi à inscrire sur un carnet de campagne toutes les entrées et toutes les sorties, par parties prenantes, et à établir une situation journalière des restants. Je devais faire établir autant de bons de sortie qu'il y avait de parties prenantes et les faire signer par ces parties. Les bons étaient dressés par jour, dizaine ou quinzaine de jours. Il me fallait récapituler ces différents bons de sortie, par parties prenantes et par chapitre, sur des bordereaux trimestriels. Je devais fournir trimestriellement cette comptabilité au gestionnaire des subsistances qui ravitaillait en fin de trimestre. Il ne fallait pas oublier d'inscrire en première page du carnet de campagne, toutes les opérations de marche et les divers services de subsistance qui ravitaillaient, avec leurs dates, et de les reporter également dans la colonne des entrées. Dans le cas où le ravitaillement était fait au compte du service de santé, il fallait se faire délivrer par le gestionnaire deux factures de sortie, une pour la direction du service de santé et une pour les subsistances. La remise des denrées par les subsistances correspondait à un bon de remboursement vert. Pour les achats sur place, il fallait adresser deux bordereaux récapitulatifs avec les factures ou les quittances dûment signées par les fournisseurs et les bons à titre remboursable.
J'utilisais le carnet à souche de bons de réapprovisionnement modèle numéro 6, le registre de campagne modèle numéro 214 avec des bons de distribution journaliers numéro 212, un carnet à souche de factures 222 modèle numéro 3 et un carnet à souches de quittances 223 modèle numéro 4. Pour la gestion des subsistances, j'avais le carnet de factures et quittances 287 modèle numéro 26.
Par ailleurs, les demandes à titre remboursable devaient être acquittées de la façon suivante : Les fournitures prises aux divers services livranciers étaient payées tous les jours, tous les 10 jours ou tous les mois, mais on ne mentionnait pas sur le carnet de campagne ces différentes entrées et sorties. Il fallait prendre à titre gratuit et livrer au fur et à mesure des besoins, les quantités demandées par le gestionnaire en fin de mois. Des bons de sortie étaient établis et récapitulés sur un bordereau signé du gestionnaire, mis à l'appui de la comptabilité. Un deuxième bordereau de décompte était remis au service livrancier qui facturait et faisait payer le gestionnaire. Selon le procédé règlementaire, les denrées étaient prises au titre du service de santé. Elles étaient portées en rentrée sur le carnet de campagne et les sorties étaient faites en bloc, contre bon de sortie signé par la partie prenante. En fin de mois, les factures de cession étaient établies par la sous-intendance à qui il fallait envoyer un bordereau récapitulatif des sorties. La sous-intendance établissait un ordre de reversement et retournait le tout. Une facture d'entrée était gardée par le gestionnaire, une de sortie par la sous-intendance. Je gardais aussi, en tant qu'officier d'approvisionnement, une facture de sortie, pour l'appui de ma comptabilité. Le service ordonnateur établissait un mandat de remboursement pour couvrir les sorties du service des subsistances.
Concernant la comptabilité des dépenses, le procédé règlementaire exigeait d'établir une facture de cessions, deux des entrées que je gardais et mettais dans des bordereaux justificatifs, deux des sorties dont une pour les subsistances et une que je gardais. Le montant de ces factures décomptées étaient payées par le gestionnaire dans le cas où elles étaient inférieures à 1000 francs, alors qu'en temps de paix, la limite était à 100 francs. La sous-intendance établissait alors un ordre de reversement pour le Trésor et l'envoyait au gestionnaire avec les factures pour qu'il acquitte le montant au Trésor. Au dessus de 1000 francs, un ordre de reversement était établi par la direction du service de santé. Dans ce deuxième cas, le service de santé était payé par un mandat de revirement. Les denrées perçues par le service de santé pour l'alimentation des malades devaient être immédiatement remboursées à l'officier d'administration distributeur, conformément aux prescriptions de l'article 34 du 22 août 1899 sur le service des subsistances militaires en campagne.
D'après une note officielle du 30 juin 1916, les cessions de vivres faites par le service de l'Intendance pour l'alimentation des malades et blessés des formations sanitaires de campagne étaient remboursées par le service de santé, par changement d'imputation, à l'administration centrale. Les bons modèle 15 sur le service des subsistances en campagne devaient être établis en double expédition par l'officier gestionnaire qui en gardait un et remettait l'autre aux subsistances. En tant qu'officier d'approvisionnement, je ne devais pas intervenir comme gérant d'annexe. Les deux gestionnaires transmettaient ces bons à leurs bureaux de comptabilité respectifs. Le bureau de comptabilité du service de santé des armées, le B.C.S.S.A, se trouvait 1 rue Lacretelle à Paris dans le XVème arrondissement. Monsieur Clech était le gestionnaire du groupe d'exploitation de la 42ème division. Je devais lui fournir le 25 de chaque mois un état des dépenses faites pendant le mois, par chapitre, par article de subdivision budgétaire. Tous les trois mois, le 25 de la fin du trimestre, je lui fournissais un bordereau de pièces et quittances justifiant du restant des avances faites.
sape abri du poste de Bénaménil |
Le 8 juillet, une visite à Bénaménil me permit de voir l'avancement des travaux de sape entrepris depuis le 22 juin, par un détachement de 9 brancardiers divisionnaires sous la direction d'un homme du Génie. Cette sape avait pour but d'abriter les blessés en traitement et le personnel de l'ambulance, en cas de bombardement. Ces travaux avaient pris du retard à cause d'éboulements.
Manonviller, ses casernes et son fort |
Je profitais de ce déplacement pour monter au fort de Manonviller. Je vis d'abord le village non bombardé, puis les casernes dont la construction n'avait été terminée qu'en 1913. Ces dernières étaient entourées de villas qui servaient d'habitation aux officiers commandant au détachement du Fort. L'effectif comprenait environ 500 à 600 hommes d'artillerie de forteresse et 300 à 400 fantassins. Un détachement était en permanence au fort qui était construit sur une butte dominant Manonviller et distant de ce village d'environ 1800 à 2000 mètres. A Manonviller, seules les casernes avaient été bombardées.
Au fort, un réseau de fils de fer barbelé distant de 150 à 200 mètres, en gardait l'entrée. La porte en fer forgé de la forme d'un carré de 4 mètres de côté était terminée par un système de T oblique et pointu aux extrémités. Dans la cour qui précède l'ouvrage, se trouvaient de gros canons de 210. Il restait encore quelques parties de l'affût. Un large fossé de 5 à 6 mètres, sur les côtés extérieurs desquels se trouvait encore une défense en fer forgé, séparait cette cour du fort lui-même. Un pont y donnait accès.
Dès l'entrée dans le fort, l'on ressentait une impression de force, un moyen de résistance à toute épreuve et l'on ne pouvait croire à sa reddition, même devant des canons de 380 mm. Le 27 août 1914, il en avait pourtant fallu bien moins, il avait paraît-il suffi que l'ennemi en demande les clefs, pour que le Commandant se rende immédiatement, sans même tirer un coup de canon. Cela était affirmé par tous les gens de Manonviller et de Bénaménil. Ce fort avait la forme d'un losange défendu surtout de deux côtés, l'un regardant l'Est et l'autre faisant face au Nord-Est. Les deux autres faces, quoique armées, étaient des pièces moins fortes. Dans sa partie longue, le fort devait mesurer environ 250 à 300 mètres et dans l'autre sens, 125 à 150 mètres.
D'immenses murs d' 1,50 mètre étaient le soutien de voûtes encore plus épaisses, le tout en ciment armé. Les voûtes étaient recouvertes de plusieurs mètres de terre sur laquelle poussait une végétation qui dissimulait l'ouvrage. En bas, se trouvaient les sous-sols dans lesquels il y avait les poudres et les munitions. Le rez-de-chaussée du fort était muni de quantités de conduits desservant les chambres, les bureaux et les diverses pièces pour les services qui y étaient établis. D'autres passages plus petits desservaient les monte-charges alimentant les pièces, de la surface et, par conséquent, à 7 ou 10 mètres de l'intérieur. Un fort courant électrique, en plus de l'éclairage, donnait la force pour la marche des diverses machines et treuils indispensables au service. De tout cela, il ne restait que des ruines. L'intérieur du fort était en grande partie démoli, la circulation y était difficile et il ne restait la trace d'aucun canon. Cet anéantissement avait été fait par les Allemands pendant l'occupation, au moyen de mines établies à l'intérieur même. Plus tard, après l'avoir abandonné, ils avaient tiré sur le fort et l'on y voyait des trous qui avaient un diamètre de 35 à 40 mètres et une profondeur de 10 mètres.
Le 9 juillet, je passai la journée à Lunéville où je tombai en admiration devant les fusées éclairantes qui sillonnaient l'étendue des lignes. Je constatai une différence sensible entre la durée des nôtres et de celles de l'ennemi. Le lendemain, une attaque par l'ennemi eut lieu dans le secteur de Reillon et de Vého. Les Allemands, après une bonne préparation d'artillerie commencée à 10 heures, réussirent vers minuit, malgré un tir de barrage très efficace, à prendre pied dans nos éléments de première ligne, sur une longueur de 300 mètres. Ce soir-là, une détonation ébranla les maisons de Bénaménil. La violente canonnade alternait avec de vives fusillades. Le 11 juillet, une contre-attaque eut lieu dans les mêmes secteurs aboutissant à 21h30 à la reprise des tranchées. Quelle vision d'attaque ! Dans le secteur de Vého, les Allemands avaient réussi à poser deux mines qu'ils firent exploser. Nous avons pu occuper les entonnoirs, malgré cela, et à la faveur de cette surprise, sur un front de 4 à 5 km, l'artillerie ennemie devint très active. Nous répondîmes. Les fusées éclairantes ne cessèrent un instant d'éclairer les lignes de part et d'autre, et avec elles, la lumière des projecteurs et l'éclair du départ des obus offraient dans la nuit un spectacle sans pareil. A un moment, vers 23h30, notre 75 se mit à aboyer furieusement et avec une rapidité incroyable, d'un cri plus fort, mais presque aussi rythmé que celui des mitrailleuses. Ces dernières, malgré le fracas du canon, firent entendre leur voix, et l'on perçut également, l'explosion sèche des grenades. C'était le fort de la lutte. Nos braves chasseurs à pied du 16ème bataillon lâchèrent difficilement le terrain. Pourtant, devant la préparation et le nombre, ils lâchèrent un peu de tranchée et ce bataillon perdit environ une Compagnie avec des prisonniers, 150 tués et 55 blessés. Les Boches eurent des pertes nettement supérieures et hurlaient comme des damnés, sous les éclats d'obus du 75. Le 12 juillet, la contre-attaque nous rendit maître des tranchées perdues la veille, sans plus de pertes, et c'est le même 16ème bataillon de Chasseurs à pied qui s'en empara.
Cette bataille amena beaucoup de blessés au poste de triage de Bénaménil. Ils furent évacués sur les HOE de Baccarat et de Lunéville. Du 10 au 14 juillet, plusieurs interventions chirurgicales ont été assurées en urgence au poste de Bénaménil.
lignes de défense : forêt de Mondon |
Puis, le calme se rétablit. Mais, j'avais remarqué dans la forêt de Mondon, la construction d'une plate-forme, très probablement pour l'installation d'une grosse pièce.
En vertu d'une décision du D.A.L, à compter du 26 juillet, l'ambulance 1/10 avait été définitivement affectée à la 42ème division, en remplacement de l'ambulance 7/6 passé aux Étapes du D.A.L. Monsieur Avenel et Monsieur Cayon étaient respectivement officier gestionnaire et officier d'approvisionnement de l'ambulance 7/6.
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Durant cet été, nous avons pu, par roulement, bénéficier de permissions nous permettant d'aller retrouver pour une dizaine de jours nos familles respectives. Monsieur Dupain partit ainsi du 15 au 27 juillet. En son absence, il fut remplacé dans son le rôle de médecin-chef par Monsieur Rigal. A mon tour, je pus partir du 30 juillet au 9 août et Monsieur Rigal en profita du 10 au 21 août, puis Monsieur Midon à partir du 22 août.
Le 9 août, notre chirurgien Del Pellegrino, suite à une mutation, fut remplacé par le médecin aide major Pierre Pont, de la classe 1901.
Extrait d'un de mes carnets de guerre |
carte illustrée par Abel Faivre |
Ces bons au porteur avaient un intérêt de 5% au bout de six mois.
Nous étions incités à cette souscription par une campagne d'affichage. Il s'agissait d'un geste patriotique. Émis dès le 13 septembre 1914, dans le but de financer les dépenses militaires, ces bons avaient rapporté durant le conflit près de 50 milliards de francs à la Défense Nationale.
Lors du retour de ma permission, je fis un arrêt à Paris pour quelques heures et je me rendis dans le 5ème arrondissement au 22 rue Soufflot, à la librairie du recueil général des lois ayant pour directeur Monsieur Larose. Je pus ainsi me procurer le volume de droit administratif par F.Boeuf, trois volumes de droit civil et un volume de droit criminel. Ces livres contenaient beaucoup de renseignements utiles à ma fonction.
A mon retour à Chenevières, j'appris que la 40ème division avait remplacé la 45ème division du général Quiquandon au 32ème Corps d'armée. La 45ème division d'Infanterie, une fois relevée, était partie au camp de Saffais. Puis, le 12 août, nous avons été informés de notre prochain départ. Il était prévu que le Service de Santé irait à Bayon vers le 22 août et que l’État-major de la 42ème division resterait à Lunéville. Nous resterions donc dans la région.
extrait de mon carnet : inventaire du matériel modèle 1910 |
On nous avait alors demandé de nettoyer les paniers de l'ambulance et de les repeindre avant de faire le chargement réglementaire de type 1910. L'ambulance mobilisée avec l'ancien matériel avait été munie peu à peu de paniers et de boîtes de matériel chirurgical de modèle 1910.
J'avais noté sur mon carnet l'inventaire de tout ce matériel stocké dans divers paniers, caisses ou ballots. On peut ainsi se faire une idée de tout ce qui était à la disposition d'une ambulance chirurgicale pour s'occuper des blessés.
Dans les 4 fourgons mis à la disposition de l'ambulance, étaient rangés des paniers, des caisses et des ballots.
Dans les différents paniers, suivant leur numérotation de 1 à 14, on trouvait des médicaments, des pansements de différentes tailles, des appareils de lavage, des accessoires de pansements, l'arsenal de chirurgie, les appareils plâtrés, les objets de propreté, les chemises et brassards.
Dans les caisses numérotées de 1 à 5, il y avait les appareils à fracture, le matériel d'éclairage, les ustensiles de cuisine, les denrées.
Dans les ballots numérotés de 1 à 6, nous disposions de gouttières en fil de fer et d'aluminium, de couvertures de laine, de sacs à denrées, de torchons, de draps de lit.
Les fourgons contenaient aussi des tentes tortoises, des brancards, des tonneaux, des caisses d'approvisionnement, des seaux en toile, des hampes, une table métallique pour opérations, des supports de brancards, un autoclave et un Poupinel à lampe Primus pour la stérilisation.
Puis, on avait reçu l'ordre de réparer et de peindre les voitures avec la peinture fournie par le parc d'artillerie.
Le 15 août, j'ai pu rencontrer Elisée Rives et Georges Brenac, deux Mazamétains qui se trouvaient comme moi en Lorraine.
Elisée Rives, ajusteur mécanicien auto, de la classe 1905, était affecté au service automobile du 13ème régiment d'artillerie.
Georges Brenac , acheteur de peaux, de la classe 1912, était maréchal des logis depuis le 9 août 1914. Il faisait partie du 9ème régiment d'artillerie de Campagne rattaché à la 37ème division d'Infanterie. Il avait été blessé par un éclat d'obus à la joue et à la main gauche, à Verdun, le 3 août 1916.
Mon frère René était toujours dans l'Oise, dans la deuxième compagnie de mitrailleuses du 6ème colonial. Depuis le 12 juillet, le 29ème bataillon de tirailleurs sénégalais avait été affecté au 6ème colonial qui avait quitté le secteur de Canny-sur-Matz pour cantonner à Orvillers-Sorel avant d'entrer, le 15 août, dans le secteur d'Assevillers et de Belloy-en-Santerre. Dès leur arrivée, tous les soldats du 6ème colonial avaient aménagé le secteur, en vue d'une prochaine attaque.
L'ambulance 1/10 devait être relevée au poste de Bénaménil par l'ambulance 10/8 dès le 22 août. Le détachement de Bénaménil avait dû nous rejoindre ce jour-là à Chenevières. Le lendemain, nous avons eu la visite du médecin principal de la 15ème division d'infanterie qui devait relever la 40ème division. Il nous félicita pour l'installation des locaux.
La 5ème division de cavalerie ayant reçu l'ordre de relever la 42ème division, nous avons quitté Chenevières le 24 août 1916.
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